L’accord trouvé entre Indépendantistes et loyalistes le 12 juillet est qualifié par tous d’historique, après les accords de Matignon-Oudinot en 1988, puis de Nouméa en 1998.
Après trois référendums dont le dernier en 2021 était contesté puisque les Indépendantistes n’y avaient pas pris part, suite au drame des affrontements de mai 2024, tout semblait en place pour une situation insoluble.
Les différences sont considérables entre le peuple d’origine mélanésienne et les lointains héritiers d’une colonisation européenne intervenue à l’occasion d’une redistribution des terres. Celle-ci a été faite au préjudice des premiers et au bénéfice des autres, condamnés par notre pays à ne pas revenir après leur temps de travaux forcés.
Tout est hors normes en Nouvelle- Caledonie.
L’accord porterait sur un Etat sui generis intitulé État de Nouvelle-Calédonie, cette formule prenant la suite d’un État dit associé. Cet État de la Nouvelle-Calédonie serait au sein de l’ensemble national, régi par la Constitution de notre République mais pourrait être reconnu par la communauté internationale.
À cet Etat sui generis, correspondrait une nationalité calédonienne, de telle manière que les Calédoniens bénéficieraient d’une double nationalité, française et calédonienne. Le risque est bien entendu que les uns s’estiment de nationalité française et les autres de nationalité calédonienne.
Le corps électoral serait « dégelé », sujet à l’origine de l’explosion des violences de mai 2024.
Une nouvelle répartition des sièges entre les régions se ferait au bénéfice de la région la plus peuplée, soit la région sud historiquement détenue par les loyalistes mais dont la population évolue.
Le Congrès de la Nouvelle-Calédonie composé par des élus issus des trois régions (la région sud, la région nord et les iles Loyauté) pourrait demander, sous réserve d’une majorité des 3/5 ,l’exercice des compétences dites régaliennes : la défense, la monnaie, la sécurité et l’ordre public, la justice et le contrôle de légalité. Jamais notre pays n’a historiquement consenti à déléguer à une collectivité quelconque l’une ou l’autre de ces compétences.
Tout ceci supposerait l’adoption d’une loi organique pour préciser les mécanismes une approbation par les Néo -Calédoniens du tout, une profonde révision de notre Constitution.
Doit-on comprendre qu’il s’agit d’un détricotage de notre État, d’une situation spécifique ? Pour les uns, la probabilité d’y aboutir. Pour les autres, la probabilité que jamais la compétence « défense » ne puisse être transférée …
L´évolution de la Nouvelle-Calédonie est suivie de très près par de grands acteurs, à l’exemple de la Chine. Est-ce que notre pays prend un risque en acceptant un processus qui pourrait séparer les intérêts de la Nation et ceux de la Nouvelle-Calédonie ou bien doit-on effectivement admettre qu’il existerait deux États pouvant à certains moments avoir des positions distinctes ?
Nous sommes là devant une situation tellement particulière que je ne me permettrai pas de porter le moindre jugement de valeur ou technique.
Avoir trouvé un accord en Nouvelle-Calédonie me parait déjà une performance à saluer. L’ampleur des étapes restant à franchir est majeure.
Est-ce que cet accord introduit des précédents qui, ailleurs dans nos Outre-mer, pourraient entrainer un effet domino ? Je ne peux pas imaginer que tout ceci ne soit pas regardé de très près en Polynésie Française, aux Antilles, en Guyane et peut-être en Corse.
L’accord intervenu est assorti d’une annexe portant sur l’aspect économique.
Redonner à la Nouvelle-Calédonie une situation économique favorable suppose des investissements considérables, dont je vois mal comment notre pays qui a déjà fait des efforts très importants (plus de 2 milliards d’euros pour la période récente et 1, 4 milliard de transferts en année normale soit 20 % du PIB de la NC) pourrait les majorer.
En particulier, cette annexe ferait référence à de nouveaux investissements dans la filière nickel dans la région nord. L’usine de nickel de cette région dans laquelle la communauté Kanak avait placé tous ses espoirs a été un échec considérable à plus de 10 milliards d’euros de pertes.
La Nouvelle-Calédonie pourrait être un pays minier, d’extraction, mais c’est l’industrie de la transformation qui est l’élément essentiel.
Cette industrie est complètement contrôlée par le Chine soit sur son territoire, soit par des investissements majeurs réalisés en Indonésie en particulier à Weda Bay.
Cette industrie dépend de la quantité d’énergie électrique disponible et de son prix.
Or, il n’existe pas de sources d’énergie en Nouvelle-Calédonie (à l’exception d’une centrale fonctionnant au fuel dans le port de Nouméa!). Il existe un différentiel considérable dans les prix de production entre la Chine, l’Indonésie et la Nouvelle-Calédonie.
Oui, un espoir est né mais avec de telles conditions à remplir pour une réussite future : je crois mesurer l’ampleur de la tâche à réaliser.
Le Président Larcher, peu avant le drame de 2024 , m’avait demandé de participer à une mission, alors que nous sentions les difficultés monter, pour examiner les termes d’un accord entre les communautés (Kanaks et Européens mais je dois aussi ajouter la très active communauté Polynésienne qui a probablement été le fer de lance de l’accord de Bougival).